Français de souche
Sans papiers
Tout a commencé par un déplacement dans un escalier, les bras encombrés. Une poche mal fermée sans doute et voilà l'origine de la plongée dans le monde interlope des sans-papiers. Mon portefeuille s'est fait la belle, inopinément, sans crier gare, alors que je m’apprêtais à partir sous d'autres cieux…
Il fallut forcément un certain temps avant que je m'aperçoive de cette disparition qui me faisait entrer dans une tout autre dimension. Dans l'aventure, je me voyais privé de carte d'identité, de permis de conduire, de carte vitale et de carte bleue : une forme élaborée et moderne d'un carré d'AS assorti d'une carte qui fait grise mine.
Si plaie d'argent n'est pas mortelle, du côté de la banque la procédure est rapide et efficace. Entre la prudente opposition et la déclaration pour refaire une nouvelle carte, tout se passe rapidement comme si la nécessité de rester dans le concert des consuméristes compulsifs ne devait pas attendre. Par contre, retrouver sa citoyenneté pose problème durablement…
Naturellement, ne disposant d'aucune photocopie pour attester de ces trésors à jamais disparus, l'affaire tourne au marathon administratif. Si la déclaration de perte au commissariat se fait aisément et rapidement, vous voilà alors possesseur d'une attestation de perte valable 2 mois seulement, vous vous heurtez à l'inertie colossale des services administratifs.
Un site destiné à simplifier les procédures ANTS se présente alors comme une bouée de secours. Il faut rapidement déchanter quand tout vient à manquer pour justifier d'une identité qui pourtant vous colle à la peau depuis votre naissance. N'être plus rien ni personne est une désagréable sensation devant les attentes des arcanes numériques d'autant plus qu'il faut mettre la main à la poche pour des timbres fiscaux qui ne peuvent s'acquérir virtuellement qu'avec une carte bleue. Le serpent se mord la queue !
La pré-demande n'est qu'une étape, un préalable pour aborder frontalement le choc de simplification des services administratifs. Du côté de la mairie de la noble cité, après une attente considérable en compagnie d'une bande enregistrée, je me vois proposer un rendez-vous un mois plus tard. Le délai de validité de mon attestation est déjà mangé pour moitié.
Il me reste alors l'épreuve de la préfecture avec deux permis, une carte grise et beaucoup de patience. Je redoute le pire avant d'affronter cette épreuve pensant même renoncer à mon permis fluvial qui risque fort de tomber à l'eau dans cette aventure. Je dois au préalable remettre le couvert sur le site censé me soumettre à un choc de simplification.
En guise d’accueil, on me dit que j'ai déjà effectué une démarche, ce qui n'est pas faux mais elle ne portait pas sur le permis. Tout reprendre pour contourner cette réserve erronée permet d'aboutir à une nouvelle difficulté : « Le justificatif de domicile ! ». Ce sont les fournisseurs d'énergie qui désormais nous permettent de nous loger. Quel progrès !
Qui ne dispose pas d'un scanner n'a que ses yeux pour pleurer et je n'imagine pas la détresse des malheureux pour qui l'informatique est un monde inconnu. Une nation sans service public est certes un rêve libéral mais plus encore un cauchemar citoyen. Dans ce futur univers idyllique, l'implantation d'une puce à la naissance ou d'un tatouage risque fort un jour prochain de titiller nos Princes du contrôle absolu et permanent.
Les demandes renseignées, il ne me reste plus qu'à attendre les signaux de fumée de ce service. Il me faudra sûrement faire preuve de patience et ne pas être trop regardant sur le délai de 2 mois qui m'est accordé. Le dépassement est certain et je devrais faire avec comme tout un chacun. Pour l'heure, je suis pour quelque temps un sans-papiers de souche.
À suivre ...
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON