L’origine plausible du SARS-Cov-2 et la chauve-souris de 2013. Montagnier s’est trompé
Dans la partie 4 j’explique pourquoi Montagnier s’est trompé sur la base d’arguments virologiques. Les journaux disposés à reprendre cette information peuvent reproduire des extraits de ce papier en citant l’auteur et l’origine.
1) Ces derniers jours, la presse parle d’une souche ancestrale du SARS-CoV-2 ayant pu circuler en Chine dès septembre 2019. Cette information a fait le tour de la presse scientifique et grand public, relayée dans un article bien documenté du site CNews « Selon eux, le virus aurait pu muter sous sa forme finale des mois avant cette période encore. « Mais il est resté à l'intérieur d'une chauve-souris ou d'un autre animal ou même d'un humain pendant plusieurs mois sans infecter d'autres personnes », a précisé jeudi le généticien de l'Université de Cambridge, Peter Forster (…) L’équipe de Cambridge a récemment fait la une des journaux internationaux avec un article sur l’histoire évolutive du virus. Publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) »
Une étude non évaluée a été élargie à d’autre virus et surprise : « En comptant les mutations, ils pourraient se rapprocher de la découverte de la première infection d'un humain par une souche la plus proche du virus de la chauve-souris. Sars-CoV-2, le virus qui cause la maladie du Covid-19, provenait de chauves-souris. Il a en effet été découvert que la Sars-CoV-2 partage 96% de gènes identiques avec un coronavirus isolé par des scientifiques chinois à partir d'excréments de chauves-souris dans la province sud-ouest du Yunnan en 2013 »
2) Effectivement, le fameux virus de 2013 ne figure pas dans l’article de Foerster paru dans le PNAS dont la qualité est assez moyenne. En revanche, il figurait déjà dans un papier publié par des Américains utilisant une méthode de comparaison des séquences. Chaque souche identifiée est enregistrée dans une banque de donnée et les programmes de biogénomiques peuvent tourner. Voilà maintenant un détail assez important que j’ai repéré dans ce papier. Au lieu de me focaliser sur les séquences évolutives comme l’ont fait les auteurs, j’ai placé mon radar pour voir ce qui est conservé et je suis tombé sur ceci (un fait déjà relaté dans mon article précédent sur le SARS-CoV-2 tracé au zoom épistémologique)
Un article récent a comparé les deux SARS responsables des épidémies de 2003 et 2020 (S. Srinivasan, 2020). Les auteurs ont placé le projecteur sur les séquences conservées. Pour mon analyse, je vais faire l’inverse. Les différences les plus importantes concernent le domaine wNsp3 et le domaine S. Les auteurs ont constaté la présence de quatre insertions spécifiques au SARS-CoV-2, absentes sur SARS-1. Ce qui signifie que le nouveau virus utilise d’autres codes. Ces quatre insertions sont absentes de coronavirus proches isolés de chauve-souris en 2015 et 2017 ; en revanche, un virus de chauve-souris isolé en 2013 contient ces quatre insertions. Le SARS-CoV-2 pourrait bien avoir « piqué » des codes déjà anciens. Ou alors avoir muté à partir de la souche de chauve-souris de 2013.
Extrait de l’article de Srinivasan publié dans Viruses « Our search resulted in three new homologs of ORF8 not reported in UniProt that were originated from three different isolates of bat SARS-like coronavirus : bat-SL-CoVZC45 (GenBank ID : MG772933, collected in 2017), bat-SL-CoVZXC21 (GenBank ID : MG772934, collected in 2015), and RaTG13 (GenBank ID : MN996532, collected in 2013). The protein sequences from these isolates shared a striking similarity with wORF8, unseen in other strains before : the sequence identities between each of these three homologs and wORF8 ranged between 94% and 95%. Further analysis showed that the proteomes of these isolates shared even higher sequence identity with the other proteins of SARS-CoV-2 : from 88.4% to 100% for 2015 and 2017 isolates, and even higher, 97.4%–100% for the 2013 isolate (Supplementary Table S1).
In spite of the significant similarity of the three isolates to SARS-CoV-2, important differences were observed. First, similar to other viruses, the 2017 and 2015 isolates did not have the four sequence inserts that were found in wS. Second, neither of the two isolates had the large insert between the two domains of wNsp3 from wORF1ab described above. On the contrary, the 2013 isolate had both, the four sequence inserts in its surface protein, matching those in wS, and the large insert in Nsp3, although the sequence of the large insert is different from that one in wNsp3. »
3) La source virale RaTG13 est bien celle qui est la plus proche du SARS-CoV-2 (voir la table S dans le supplément fourni par les auteurs). Elle a été récupérée dans des excréments de chauve-souris et présente également des homologies avec le SARS de 2003. C’est pour cette raison qu’elle est apparue sur les radars chinois. En revanche, les deux souches de 2015 et 2017 sont assez éloignées sur SARS de 2019. La provenance du virus de 2013 n’apparaît pas dans la bibliographie fournie dans le papier de Srinivasan. Elle apparaît cependant dans quelques publications récentes. Sinon, remonter à la source est assez facile en utilisant les mots clés adéquats. C’est ce que j’ai fait et je suis tombé sur un papier signé Ge et al. publié dans Nature en 2013 et signalant cette fameuse souche dont la propriété remarquée est de posséder une protéine Spike qui se lie sur le récepteur ACE2, le même que le SARS de 2003 et celui de 2019. D’ailleurs, les Spike du coronavirus de 2013 et celui de 2019 sont quasiment identiques (avec les 4 inserts dans Spike). Il reste une chose que j’ignore, c’est si le type viral est bien le MN996532. En revanche, si vous regardez le laboratoire qui a étudié cette souche, vous constaterez qu’il est basé à Wuhan. Cette souche a certainement été conservée par les virologues de Wuhan.
4) Nous pouvons maintenant enquêter sur l’origine du virus. La thèse de Montagnier a eu un certain succès dans la presse mais elle repose sur une analyse bien hâtive et légère fondée sur sur article publié par des chercheurs indiens. Leur démonstration repose sur ces 4 inserts dans la protéine Spike. Voici ce qu’ils écrivent : « On careful examination of the sequence, alignment we found that the 2019- nCoV spike glycoprotein contains 4 insertions [Fig.2]. To further investigate if these inserts are present in any other corona virus, we performed a multiple We found that these 4 insertions [inserts 1, 2, 3 and 4] are unique to 2019-nCoV and are not present in other coronaviruses analyzed. »
D’après le papier publié par les chercheurs indiens les 4 inserts sont uniques au SARS-CoV-2 selon ces chercheurs indiens et ne se retrouvent pas dans les autres coronavirus. Si tel était le cas, il devenait plausible de chercher l’origine de ces inserts. La piste la plus plausible étant une recombinaison, ou alors une hypothèse plus étrange comme l’insertion d’une protéine, en l’occurrence la protéine de surface gp120 du HIV (Pradhan, 2020). Cette molécule est connue pour être une porte d’entrée du virus. En tant que protéine de surface, elle est indiquée pour fabriquer un vaccin, sauf qu’utiliser un coronavirus n’est pas une très bonne idée. Quoi qu’il en soit, les quatre inserts bien ont été trouvés chez la chauve-souris de 2013, comme l’indique le papier de Srinivasan (on retrouve d‘ailleurs 98% d’homologie entre les Spike de 2013 et de 2019). L’argument selon lequel aucun des génomes de corona ne contient les 4 inserts s’effondre, et la thèse du bricolage génétique avec HIV n’a plus de fondement puisque l’origine naturelle devient la piste privilégiée pour ne pas dire certaine.
Le constat : We found that these 4 insertions [inserts 1, 2, 3 and 4] are unique to 2019-nCoV and are not present in other coronaviruses analyzed. est donc erroné puisque ces inserts ont été retrouvés dans le corona de 2013 ; la thèse du bricolage avec HIV véhiculée par Montagnier ne tient plus. Et d'ailleurs le papier des scientifiques indiens porte cette mention withdrawn, ce qui veut dire qu'il a été retiré du site de prépublication. Retiré mais pas effacé.
5) La première hypothèse sur l’origine consiste à imaginer une contamination par l’homme de la souche RaTG13 du coronavirus de chauve-souris repéré en 2013. La date est incertaine. Une fois passée chez l’homme, la souche a fait un long (ou court) chemin, s’avérant au début peu contagieuse au point de passer sous les radars de la virologie. Au fil des mutations, une souche intermédiaire entre le virus de chauve-souris et le SARS-CoV-2 aurait pu apparaître puis muter pour donner le virus actuel. Cette souche aurait-elle circulé en septembre 2019 ? Pour le savoir, il faudrait étudier les génomes numériques conservés dans les banques de données ; en ciblant les 4 inserts de Spike. L’autre hypothèse est identique à la précédente sauf sur un point. Le coronavirus RaTG13 se serait échappé d’un laboratoire, probablement en contaminant un chercheur qui l’aurait transmis à d’autres personne avec au bout une mutation pour conduire au virus actuel. On sait en effet que les Chinois, comme la plupart de leurs confrères virologues d’autres pays, ne se contentent pas des banques génomiques et conservent les souches pour les étudier. Une troisième hypothèse a été évoquée dans la presse et n’est pas à exclure. La piste du laboratoire P4 n’est pas nécessaire puisque les coronavirus sont manipulés dans des labos des P3, ce qui rend un accident moins improbable. Le virus de chauve-souris aurait muté à partir de cultures in vitro et se serait échappé du laboratoire, probablement en contaminant un chercheur. Néanmoins, la contamination naturelle avant décembre 2019 semble la plus plausible des hypothèses, du moins si l’on ne fait pas entrer dans la balance les considérations politiques et le démon de Lyssenko.
L’évolution des virus est datable par les horloges génomiques sans pour autant être entièrement fiable. On peut mesurer les embranchements lorsqu’une souche se répand et c’est ce qui a été réalisé par pour le SARS-CoV-2 (la souche date de la mi-décembre 2019). En revanche, une mutation importante produisant une souche intermédiaire peu contagieuse reste dans l’ombre. Il faut la repérer avec l’identification d’un cas clinique suspect. L’origine du virus risque bien de rester une énigme pendant longtemps. En 2009, les virologues avaient les yeux fixés sur la grippe et notamment, le virus aviaire H5N1 qui alimentait toutes les craintes. Le virus H1N1 est arrivé, fruit de trois réassortiments (contrairement au corona, le génome de la grippe est segmenté, ce qui facilite les recombinaisons). Le SARS-CoV-2 n’était pas si inattendu si l’on remonte en 2003, et 2013 pour la chauve-souris. Quant à la controverse sur l’hypothèse d’un accident, elle relève surtout de considérations géopolitiques en cette époque de guerre froide menée entre Occidentaux et Chinois.
Bibiographie
Ici le papier sur lequel s’est basé Montagnier
P. Pradhan et al. Uncanny similarity of unique inserts in the 2019-nCoV spike protein to HIV-1 gp120 and Gag
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.01.30.927871v1.full.pdf
Peter Forster, Lucy Forster, Colin Renfrew, Michael Forster Phylogenetic network analysis of SARS-CoV-2 genomes, PNAS first published April 8, 2020
https://doi.org/10.1073/pnas.2004999117
Ge XY…, Daszak P, Shi ZL, Isolation and characterization of a bat SARS-like coronavirus that uses the ACE2 receptor, Nature. 2013 Nov 28 ; 503(7477) https://doi.org/10.1038/nature12711
S. Srinivasan et al. Structural Genomics of SARS-CoV-2 Indicates Evolutionary Conserved Functional Regions of Viral Proteins. Viruses. Mar 25. 2020
https://doi.org/10.3390/v12040360
CNEW 21 avril
Zoom épistémologique sur le virus
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