D’antiques textes sacrés dévoilent les ’Traits’ du monde spirituel de Dieu, et son premier Nom
« Quiconque désire comprendre Jésus doit partir de l'univers spirituel de Zoroastre. » (°)
En effet, « cette religion Perse est dématérialisée, abstraite, spiritualisée, philosophique. Point de vénération d'idoles ! » (S.A. Kapadia).
(°) Citation du Cardinal Catholique Franz KÖNIG, archevêque de Vienne – De par ses Études, le Cardinal savait lire l'antédiluvienne langue Gâthique dans laquelle sont rédigés les Gathas, ''Bible'' originelle du Zoroastrisme. (A ne pas confondre avec le tardif Avesta.)
Je m'inspire ici essentiellement de trois ouvrages, que je cite également : l' ouvrage de Khosro Khazai PARDIS intitulé « Les GATHAS, le livre sublime de Zarathoustra » (Albin Michel Spiritualités 2010) (*), l'ouvrage de Paul Du BREUIL intitulé « Zarathoustra et la transfiguration du monde » (**) (Payot Paris – 1978), et la traduction des 17 GATHAS (une centaine de pages) annexée à l'ouvrage de K. Pardis..
Voici le Plan de l'Article :
> Historique : Gathas & Avesta
> L'Enseignement des Gathas
Dieu/ Création & sens de la vie/ Loi de l'existence/ Paradis & Enfer
> Le Parcours de Zoroastre à travers les Chants
> Les Sauveurs sont des humains
Avant Zoroastre, on pensait que le monde avait été mis en ordre (à partir du chaos) par le/les dieux, et qu 'il était statique, immuable. Zoroastre enseigne que ce monde plein de conflits progresse vers un état sans conflits, vers le bonheur, et que l'action de chacun, dans la vie de tous les jours, peut contribuer à faire se réaliser ce plan de Dieu. Donnant un sens et une dignité à la vie de tout homme et toute femme.
« Zarathoustra (…) propose une vision radicalement nouvelle de la vie et de l'existence. Ses idées (…) non seulement dominèrent pendant deux mille cinq cent ans la spiritualité et la religion des trois Empires Perses (Achéménide, Parthe et Sassanide), mais elles influenceront les philosophes grecs et romains, le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme et l'humanisme. » (*)
HISTORIQUE : GATHAS & AVESTA
Les Gathas sont extrêmement anciens. On le sait de par la langue dans laquelle ils sont écrits : l'avestique ancien. (**) Cette langue est comparable au vieux sanskrit dans ses parties les plus anciennes. Ce qui place les Gathas vers 1700 av. JC, comme limite basse.
Gathas signifie ''Chants'' : on en compte 17, composés de 238 strophes pour quelque 6000 mots. C'est l'essence de la pensée Zoroastrienne originelle. Ils sont construits sur base de Cinq mesures poétiques, avec alternance de voyelles longues et courtes (en avestique).
Zoroastre a dû se frotter au monde de son temps, dominé par la suprématie du mensonge (Chant V:3-5). Il a été objet de propagandes calomnieuses, harcelé, et abandonné : « vers quelle terre me tourner ? » (Chant XI:1-2). Par moments, il est emporté par les doutes, la confusion, et le désespoir. (Chant VIII:7-10). Zoroastre parcourt plaines et montagnes et découvre que sa doctrine est difficile à transmettre (Chant VIII:11). Arrivé au pays des Aryas, les gens commencent à l'écouter : il y explique les deux voies de l'existence : « la pensée évolutive est radieuse et la pensée stagnante est sombre. » (Chant X:1-3). Zoroastre crée alors une confrérie avec ses premiers compagnons, puis établit une Assemblée des Mages (= Sages) .
« Ce n'est qu'un millénaire plus tard, au VIII et IX siècle avant JC, alors que le prestige et la renommée de Zoroastre continueront à s'étendre dans les régions de plus en plus reculées, que les prêtres de la religion Zurvaniste, dans l'Ouest de l'Iran ''adopteront'' Zarathoustra comme leur prophète et s'accapareront graduellement le titre de ''Mages'' qui, dans les Gathas même, ne s'applique qu'aux premiers compagnons de Zoroastre. » (*) C'est une confusion 'contre nature', car le Zurvanisme est une religion dualiste et ritualiste. (1). Mais c'est sous ce travestissement que l'Occident, à travers les Grecs, découvriront les ''Mages'', en réalité des prêtres hérétiques, polythéistes, qui n'ont aucun rapport avec Zoroastre.
La conquête d'Alexandre ''le grand'' signa le déclin de la langue des Gathas. La restauration des Parthes a permis la compilation de l' Avesta en 21 livres, dont seulement un tiers est parvenu jusqu'à nous (soit un millier de pages). L' Avesta comprend les Gathas, dans une version probablement proche de l'initiale, mais intègre toute une série de mythes d'époques Aryenne et post-zoroastrienne, ainsi que des rituels bizarres, complètement étrangers aux messages originels de Zoroastre.
Sous les Parthes, les textes intégrés à l'Avesta ont été mis par écrit en écriture commune ; c'est-à-dire Pahlavie. Or, cette écriture est dérivée de l'Araméen, qui était consonantique : elle ne notait que les consonnes. Ce n'est qu'au III ième siècle de notre ère, sous les Perses Sassanides, que, sur la base de l'alphabet pahlavi, fut développé une écriture sophistiquée. Cette nouvelle écriture transcrivait non seulement la phonétique mais aussi l'accentuation, indispensables pour rendre le sens et le caractère poétique des chants sacrés. Selon les chapitres, on contait 48 à 53 signes, dont 14 à 16 voyelles.
Les 17 chants des Gathas forment 17 des 72 chapitres (appelés ''hats'') de la section liturgique (appelée Yasna) de l'Avesta. Il est fort probable que l'ordre dans l'Avesta des 17 ''hats'' ne correspondait pas toujours à l'ordre des Chants du texte originel des Gathas. Les Gathas forment les ''hats'' 28-34, 43-51, et 53 de l'Avesta. On note que les ''hats'' (35-41) étaient aussi initialement en Gâthique, probablement écrits par des disciples proches de l'époque de Zoroastre.
L'ENSEIGNEMENT DES GATHAS
« Dieu connaît tout et ne peut être trompé. » (Chant X:11)
----------> DIEU
Zoroastre, s'adressant à Dieu, lui dit : « J'ai compris que Tu est l'origine et la fin de tout ce qui est. » (Chant IV:8)
Avec Zoroastre, Dieu est appelé Ahura Mazda, ce qui signifie ''l'Existence qui détient la Sagesse suprême. '' Le terme ''ahura'' correspond au terme sanskrit ''asura'' (qui signifiait 'divinité'), terme qui est antérieur à Zoroastre.
Dans les Gathas on trouve les termes Ahura Mazda, mais aussi Mazda Ahura, Mazda, ou Ahura. Ces variantes sont là pour s'ajuster à la métrique des Chants, car les Chants des Gathas sont aussi poétiques (en avestique).
Dieu est doté de « six attributs sans individualité ni mythologie. Ce sont des idéaux spirituels, des entités abstraites. » (*) Ensemble, ces ''qualités'' permettent de progresser dans l'harmonie, en recherche de perfection. Ce sont : la Sagesse, la Bonne pensée, l'Ordre, la Sérénité, la Dévotion, la Santé, l'Immortalité. Je n'entre pas dans le détail, car le mode de pensée de Zoroastre est fort élaboré et semble à première vue abscons. Ce dernier point est d'ailleurs évoqué en Chant II, où Dieu suggère d'écouter le message de Zarathoustra. En réponse, « L'âme de la terre rugit encore et dit ''Dois-je accepter l'aide d'un homme faible qui, avec ses paroles vides, veut être mon protecteur ?'' »
Chez les Anciens Égyptiens, les qualités requises pour assurer le respect des lois de Maât permettaient à ''l'Ordre Cosmique'' (céleste et terrestre) de perdurer. La voie de Zoroastre est similaire, quoique différente dans la forme et dans la finalité qui est de rétablir cet ordre parfait...
Ahura Mazda rompt aussi avec l'archaïque tradition des dieux masculins, puissants, sans pitié, vengeurs, qui exigeaient voir couler le sang sacrificiel. Dieu n'est pas féminin non plus. En fait, sa nature est bien au-delà de ces caractéristiques humaines. Ce qui n' empêche pas que Ses pensées aillent aux femmes et aux hommes de toute la terre, justes ou non.
Les seuls rituels pratiqués sont des Chants adressés à Dieu : individuellement, ou lors d'un mariage, par exemple. Le Dieu des Gathas est un Dieu éthique, spirituel, sans statue, sans rituels (excepté la prière, souvent individuelle). Hommes et femmes sont égaux. Déjà à l'époque la femme zoroastrienne choisissait son époux. (Chant XVII:3)
Jamais Dieu ne s'adresse à un peuple, à une nation, à une tribu ou à un clan. En effet, Il est le Dieu de toute la Création, donc de tous les êtres vivants, y compris animaux et plantes. Tous, et aussi la terre et les minéraux, sont dotés d'une âme. Tous peuvent donc souffrir, comme ils peuvent être heureux, car ils ont été créés par la même Pensée originelle. Ce qui fait que, vivants ou non, ils sont tous reliés les uns aux autres par cette même Pensée.
En outre, la fin du corps physique n'est pas la fin de la vie, qui se poursuit dans le monde spirituel.
----------> CRÉATION ET SENS DE LA VIE
Pas à pas, Dieu révèle que la Création n'a pas été faite ''une fois pour toutes''. Il introduit les concepts de Création continue, de Progrès de la Création. Concepts fondamentaux et à l'époque révolutionnaires. Le monde se dirigeait vers un but. Voyons cela.
A l'origine, Dieu avait donc créé dans sa pensée un univers parfait où régnait le bonheur absolu. Une création pure. Cette Création spirituelle a été aussitôt dotée du libre arbitre, qui n'a pas de limites pré-fixées : c'est le véritable libre-arbitre. Aussitôt donc pouvaient potentiellement apparaître des opinions divergentes. Le mensonge et la tromperie se diffusèrent largement avec le second volet de la Création, la réalisation matérielle de l'univers (Chant 1:2).
Le chant IX précise les événements successifs : Création matérielle des astres (soleil, étoiles, lune), création de la terre, avec ciel et terre séparés, déplacement des nuages, création de l'eau, de la lumière et de l'obscurité, de l'éveil et du sommeil, création de la Maîtrise de soi, de la Sérénité, de la Sagesse, de l'amour familial, création de l’âme etc. etc. Un savoir reçu par la pensée de Zorozstre.
Il enseigne l'avènement de la conscience humaine et sa responsabilité spirituelle.
Le sens de la vie émane de la lecture des Gathas : « Toute force qui permet aux êtres vivants (humains, animaux et plantes) de réaliser une vie heureuse et épanouie sur cette terre est juste ; au contraire, toute force qui empêche la réalisation d'une telle vie est injuste. » (*) Le ''Bien'' et le ''Mal'' sont deux formes de pensée, deux ''Esprits'' opposés. L'un est ''le bon choix'', et l'autre 'le mauvais choix''.
En pratique, l'issue du 'combat' (par chacun, tous les jours) du bien contre le mal : de la justice contre l'injustice, de la vérité contre le mensonge, de l'amour contre la haine ; cette issue, au final, amènera la ''victoire du bien sur le mal''. Zoroastre a compris que c'est le Plan de Dieu. Le 'combat' n'est pas contre le menteur, mais contre le mensonge qui est en lui, etc etc.
« Soyons de ceux qui, à chaque instant, renouvellent et embellissent le monde. » (Chant III:9)
« Celui qui est toujours à la recherche de son propre profit, comment pourra-t-il apporter renouveau et joie en ce monde et contribuer à son développement ? » (Chant XV : 2). Bien sûr on ne parle pas du même 'développement, qui est ici spirituel, là matériel. Ce qui suggérerait pour nous, aujourd’hui, d'envisager un mode de vie radicalement différent, et des priorités autres...
-------------> LOI DE L'EXISTENCE
Lors de sa création physique, une évolution était nécessaire pour la parfaire, qui impliquait l'humanité. Dieu a donc, dès l'origine, doté l'univers de la « loi de l'existence de manière à ce que le bonheur appartienne à celui qui rend les autres heureux (…) car la meilleure vie appartient à celui qui va vers la lumière et qui la partage avec les autres. (…) C' est sur cette voie d'autocréation qu'il deviendra comme Toi, libre, sage et porteur de progrès. » (Chant VIII:1-3).
Zoroastre poursuit : « Je T'ai vu à l'origine de la vie, et j'ai compris que tu as établi pour chaque pensée, chaque parole et chaque action une réaction en retour, néfaste pour le malfaisant et bénéfique pour le bienfaisant. Cette loi, par Ta puissance créatrice et Ta sagesse infinie, se poursuivra jusqu'à la fin du monde. » (Chant VIII:5). Ainsi, « les adeptes du bien et ceux du mal seront récompensés ou pénalisés selon leurs actions. » (Chant VIII:12). « Zarathoustra suit le chemin de Ta pensée la plus évolutive et productive du monde (…) [qui] nous mène vers une fin heureuse. » (Chant VIII:16)
En pratique, la ''Loi de l'existence'' affirme qu'avec le temps, les humains feront de plus en plus le ''bon choix'' et que le ''mauvais choix'' s'épuisera. C'est la fin heureuse de la Loi de l'existence qui promet donc l'avènement d'un monde nouveau, rénové, transfiguré.
En conséquence, Hommes et femmes, de tous temps, de toutes confessions, partout sur la terre, sont clairement de potentiels co-auteur du progrès de la Création vers le bonheur. C'est Dieu qui accompagne les hommes, les femmes et tout ce qui existe, en harmonie, vers la perfection et l'immortalité. Mais les choix restent aux hommes et aux femmes.
Le Chant IV rappelle la liberté individuelle : « A l'origine, Tu as créé le corps, la sagesse, la conscience et insufflé la vie en nous, et Tu nous a dotés de paroles et d'actions ; Tu as voulu que nous choisissions notre doctrine et notre manière de vivre telles que nous l'entendons. » (Chant IV:11). Ainsi, « chacun de nous, homme ou femme, choisira l'une des deux voies. De ces deux principes fondamentaux qui ont été conçus comme jumeaux et qui naissent dans la pensée, l'un représente le bien et l'autre le mal. » (Chant 3:2-3). Ces deux principes du bien et du mal ont été établis selon la volonté de Dieu. » (Chant III:11)
Zoroastre témoigne : « L'âme de la terre pleure et se lamente auprès de Toi : ''Pourquoi m'as-Tu créée ? Qui m'a façonnée de cette manière ? Je suis opprimée par la colère, la cruauté et l'agression.'' » (Chant II:1). « Connais-tu un Sauveur capable de mener la terre vers le bonheur ? » (…) Mais « Il n'y a aucune autorité dans le monde qui puisse supprimer l'injuste. » (…) « Y aura-t-il un avenir pour les justes qui vivent parmi les malfaisants ? » (…) « N'est-ce pas le but du Créateur de te donner la vie afin que tu sois le protecteur et le gardien de ce monde ? » (Chant II:2-6). Les femmes et les hommes ne sont donc pas seulement spectateurs : ils peuvent aussi être co-acteurs avec Dieu d'une Création ''en devenir''. En outre, ils ont des devoirs ''écologiques'' de gardiens protecteurs du monde et du vivant.
----------> PARADIS & ENFER
« Le plus grand bonheur appartient à ceux qui enseignent aux autres les secrets d'une vie heureuse pour que les hommes et les femmes puissent trouver la voie de la Perfection et de l'Immortalité. » (Chant IV:6).
Le juste aura donc bien sa place dans Sa demeure lumineuse (Paradis). Rappelons-là que perfection et immortalité appartiennent au domaine spirituel. Les êtres matériels sont éphémères et périssables. Ceux spirituels non. Mais « Celui qui choisit le mensonge mènera longtemps une vie de ténèbres, d'aveuglement et de regrets. » (Chant IV:20). Notons qu'il n'y a pas de peine ''éternelle'' dans le Zoroastrisme. Notons aussi que le concept zoroastrien d'immortalité ne signifie pas un temps infini, mais un au-delà du temps.
L'Enfer ne saurait donc être éternel, car (Chant XII) révèle que le monde est en mouvement progressif : à terme « le destin de ceux qui sont justes et de ceux qui sont injustes sera reconnu. » Il précise que « le juste, même pauvre, est précieux, et le malfaisant, même riche, est sans valeur. » (voir aussi 2Corinthiens 8:9)
La conscience est un miroir intérieur. Elle évolue pour chacun, et peut prendre le chemin vers la perfection, qui est le plus haut état de conscience, appelé ''Demeure des Chants'' (=Paradis). L'Enfer, quant a lui, est appelé ''Demeure de la pire pensée'' (ou ''Demeure de la Tromperie''). Même en Enfer, la conscience peut évoluer.
Paradis et Enfer ne sont pas des lieux géographiques/physiques, car la ''récompense'' au Paradis et la ''rétribution'' en Enfer se déroulent dans la conscience.
Le passage de la conscience par le ''Pont de l'Estimation'' (aussi appelé ''pont trieur'') ouvre la voie de l'esprit du juste à l'éternité. L'esprit du malfaisant devra encore évoluer pour passer le Pont vers l'éternité. Notons que (Chant XVI : 14) prévoit que les « chefs religieux trompeurs (…) se retrouveront à la fin dans la Demeure de la Tromperie. » L'âme des plantes et les animaux, n'ayant pas le discernement suffisant, vont directement à la « Demeure des Chants ».
LE PARCOURS DE ZOROASTRE A TRAVERS LES CHANTS
« Ô Mazda, je suis conscient de mes faiblesses, ma richesse est infime et mes compagnons peu nombreux. Alors j'avance vers Toi » (Chant XI:2)
Bien que l'ordre chronologique des Chants ait été malmené lors de la compilation de l'Avesta, la lecture des Gathas laisse l'impression d'un vécu humain authentique. Un vécu qui commence avec enthousiasme, qui attire aussi quelques disciples fidèles. Très vite, on sent que les difficultés s'accumulent : les politiques et les religieux fonctionnent en ''tandem'' et utilisent tous les moyens pour que la population s'écarte de Zoroastre. En outre, le mode de pensée sophistiqué de Zoroastre est difficile à expliquer à la population, et donc à être assimilé.
Le dernier tiers des Gathas me semble refléter un sentiment que l'atteinte de l'objectif prendrait plus qu'une vie. Zarathoustra appelle Dieu à l'aide. Il espère que d'autres viendront pour terminer le travail.
Avant de s'effacer (Dieu lui ayant octroyé l 'éternité), il remercie ses disciples & suiveurs.
Identifier un ''sauveur'' capable de mener la terre opprimée vers le bonheur est une éventualité affrontée assez tôt. A l'époque, on se demande : « si cette personne existe, qui est-elle ? » Mais il n'est « en vérité personne qui protège le juste contre l'injuste. » (Chant II) Au final Dieu indique qu'il n'y a qu' une « personne qui a écouté les enseignements, et c'est Zarathoustra Spitama. » Il n'est pas un ''sauveur'', mais il connaît les enseignements !
Bientôt, Zoroastre annonce être « l'Enseignant élu par Dieu » (Chant IV ;1-2) Il transmet donc un savoir. Il n'est pas un Prophète. Ni un 'Sauveur' non plus.
Zoroastre demande à Dieu qu'Il lui révèle « la félicité des deux mondes, le matériel et le spirituel » afin de pouvoir « guider ses compagnons vers le bonheur. » (Chant 1:2).
Les débuts des Gathas témoignent de la volonté de partager son savoir :
= L'accès au Paradis est possible pour chacun : « L'homme ou la femme qui s'efforce de faire progresser sa maison, sa ville, son pays (...) pourra Te rejoindre. » (Chant IV:16)
= Dieu a créé les conditions pour qu'à la fin, les justes soient les plus nombreux : « Tu sais bien (…) qu'à la fin les force de la Justesse et de la Justice vaincront. » (Chant VI:6)
= Les valeurs d'altruisme et de partage sont essentiels : « Le bonheur appartient à celui qui rend les autres heureux. La meilleure vie appartient à celui qui va vers la lumière et qui la partage avec les autres. » (Chant VIII:1-2)
= Zoroastre rappelle que l'atteinte des idéaux qu'il propose passe par le renoncement « aux faux dieux. » (Chant IX:11)
Et Zoroastre a des ambitions immenses. S'adressant à Dieu, il demande : « Pourrais-tu, dans ton amour infini, nous donner aussi le pouvoir pour que nous rendions le monde vivant, les hommes, les animaux et les plantes heureux et épanouis. » (Chant X:9). Il va plus loin et demande : « Donne-nous le pouvoir d'essaimer avec félicité Tes messages sublimes dans le monde. » (Chant 1:7)
LES SAUVEURS SONT DES HUMAINS
Le terme gâthique ''saoshyant'' signifie bienfaisant, sauveur, libérateur.
Le parcours pour ''l' évangélisation'' des populations a été rude : « Les dirigeants oppresseurs, alliés aux chefs religieux, essaient de dominer le peuple par la ruse et la force en gaspillant leur vie. Mais lorsqu'ils arrivent au Pont de l'Estimation, leur conscience et leur âme rugissent contre eux car ils ont été tout le temps dans la Demeure de la Tromperie. » (Chant XI:11)
Le ''sauveur'' évoqué en (Chant II) était explicitement une personne humaine. Les ''sauveurs'' sont à nouveau évoqués plus loin dans les Gathas :
« Celui qui parle de Mazda Ahura avec la Pensée juste chérit les saoshyants, les libérateurs, les bienfaiteurs et disciples de Sa doctrine. » (Chant X:11). Là aussi, il est clair que les sauveurs espérés offrent une guidance dont la mise en œuvre par l'auditoire, sera source de progrès.
Zoroastre pense déjà au futur quand (Chant XIII:8) il dit à Dieu combien il désire « que Tu Te révèles à mes compagnons en leur offrant la récompense de la Pensée Juste. Et, en (Chant XIII:9) Zoroastre, qui craint ceux qui lui veulent du mal, voudrait que « les libérateurs, les saoshyants, sachent qu'eux aussi recevront cette récompense. » Ainsi, il me semble clair que ses compagnons avaient progressé et pourraient être considérés comme saoshyants. Et que la récompense du don de la Pensée juste aux saoshyants n'est en fait destinée qu'aux personnes humaines, dans les Gathas.
En (Chant XVII), Zoroastre annonce que ses disciples « ont choisi une doctrine qu'Ahura a révélée aux guides libérateurs, les saoshyants. » Voilà qui est à nouveau explicite.
Zoroastre donne une autre clef de lecture en (Chant XIII:12) : « les libérateurs du pays, les saoshyants, seront ceux qui (…) deviendront capables de réaliser les objectifs demandés et parviendront à éradiquer la colère et l'injustice. » D'une certaine manière, une sorte de proto-messies... car les objectifs sont liés à la capacité spirituelle (associée au monde matériel) de pouvoir accéder à la vie éternelle du monde nouveau, auprès de Dieu !
Mais Zoroastre avait explicité la nature de ses objectifs en (Chants XI:19) :
« Le désir de Zarathoustra est de construire un monde nouveau et régénéré qui puisse offrir sans défaillance la vie éternelle. Il veut réaliser ses objectifs dans les deux mondes, matériel et spirituel. Ô Mazda, c'est Toi qui m'a appris et révélé tout cela. »
Et il confirme les objectifs en fin des Gathas : « Ô Mazda, tant que j'ai la force et l'énergie, je le ferai (…) » Zoroastre mentionne aussi « le plus grand désir de Tes disciples qui est la rénovation et le renouveau du monde. » (Chant XV:11)
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Vers la fin des Gathas (Chant XIV:10) –et cela se passe sans doute dans une période particulièrement difficile-- Zoroastre implore Dieu « qui est tout-puissant » : « Ô Mazda (…) je Te confie le corps et l'âme et la vie des justes pour que Tu les protèges. »
Pourtant, on sait qu'avec Mazda, il ne faut attendre ni miracles, ni intercessions...
On sait que Dieu n'intervient pas, mais l'espoir est là :« (…) Toi qui par Tes désirs as donné aux êtres la capacité d'être heureux ou malheureux, Pourrais-Tu, ô Ahura Mazda, dans Ton amour infini nous donner aussi le pouvoir pour que (...) nous rendions ce monde vivant, les hommes, les animaux, les plantes, heureux et épanouis ? » (Chant X : 9). Ce qui est une demande plus réaliste qui rappelle notre responsabilité vis-à-vis de l'ensemble du vivant.
JPCiron
(1) - Voir le chapitre « Le Mythe de la Triade de Zurvan (avec ses deux Fils jumeaux) » dans l'Article « Le Mythe de la Trinité et ses relations au Mal et au Libre-Arbitre. »
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